FLESHS TONES
2014, 11 minutes
Collaboration avec Pablo Avendaño Chávarri (peintre)
Performance de peinture corporelle
Bande son (Porsperger) : poésie automatique + remixage de John Cage + improvisations vocales.
Analyse dʼOlivier Vanderaa
Acte violent de la couleur quʼon projette sur ce visage qui disparaît, sʼannihile, mais sensualité de la peinture quʼon étend sur ce corps. La créature résultante est-elle encore pour autant incarnée ? Perdue entre grâce infinie et pantin décharné, famélique, telle est lʼambiguë et puissante image qui se livre à nos yeux sur cette scène blanche, se construit à coup de giclées vitales & mortelles à la fois. Lʼhumain disparaît sous la couleur, sʼemplâtre, se désintègre presque, étouffe, bâillonné dans le tissu. Touche à la rédemption, quasi sauvé par lʼesquisse dʼune gestuelle gracieuse, décharnée. Étale sa désinvolture et sa condition de goéland maladroit & fragile sous lʼassaut des coulures. Un chant sʼélève, comme retenu, étouffé dans la (c/d)ouleur, la condition de créature soumise aux assauts des désirs inassouvis. Fragilité de lʼacte où la réussite dans la composition du tableau vivant ne tient quʼà un fil, ou plutôt à une coulée de peinture, un geste du corps peint. Dégagement dʼune harmonie étrange. Flashs stroboscopiques fabriquant des éclairs dʼinstantanés, ce stroboscope qui parachève la vision, apocalyptique, et nous emporte aux portes dʼun ailleurs insoutenable, incolore. La créature sʼanéantit. Du tragique de la charge futile des Walkyries. Un acte sauvage, mais maîtrisé, imprégné du sens du vécu puissant des deux performeurs. Si lʼon sʼattendait à un acte « classique » de body painting (des empreintes bleues dʼYves Klein aux multiples séances de peintures corporelles en direct sur fond de rock/hip hop), cʼest tout sauf cela qui se produit devant nous. La performance nʼa en effet de classique que lʼun de ses ingrédients, le chant, puisquʼelle est le fruit de la rencontre inattendue dʼun dee jay/chanteur/performeur/collectionneur de musique classique, Jérôme Porsperger, et dʼun peintre habituellement paysager, qui introduit un peu de fantastique dans le réel quʼil restitue, utilisant la toile et la photographie, mais sachant, pour preuve, manier lʼimmédiat.
Bruxelles, Galerie Martine Ehmer
Texte original (J. Porsperger)
Le smurf parle,
la mer aussi,
une fois lʼange est apparu,
dans son sommeil il suait,
lui qui nʼavait jamais vu la mer,
il suçait son pouce comme un vautour suce le sang,
la pluie essuyait son regard,
la tombe de sa mère sʼécroulait,
en mort il nʼy a pas de solution,
tous les manques sont naturels,
il dansait sur un nuage,
transposant son corps dans une autre Vie,
Lux aeterna pour tous les mortels,
avec ou sans parapluie,
il a sur lui lʼenvie de nourriture, animale et contestataire, activiste,
il sʼempare de la dimension pathétique des choses et ne souhaite plus en parler,
pourquoi se priver des bonnes choses,
il suffit de rêver pour que lʼappel soit entendu,
la guerre des lapins bleus volages,
pourquoi et comment il nʼen sait rien, rien de rien, de rien
absolument tout est noir et sans issue.
Amour arrive !
Mes pattes sont trempées de mes pleurs,
summertimes and the life is easy going,
les tapis volants ne sont plus,
on les as remplacés par des artificiels,
pourquoi ?
Pour raisons sanitaires, un monde clinique,
la musique sʼen empare,
il nʼy a plus de solutions,
lʼespoir fait survivre,
les cloches de Pâques ont une belle parure poils et or,
pour quand annonce-t-on un monde meilleur, une vie meilleure,
le silence est dʼor,
toutes les vérités ne sont pas bonnes à dire,
il faut expliquer expliquer, éduquer,
sans quoi la bestialité sera vite de retour,
et nous nous entre-mangerons,
un festin royal et dégoutant nous attend,
100% concentré dʼune obligation surmenée,
sans fourchettes ni couteaux,
nos dents restantes nous dégusterons,
dans la pluie, la boue, lʼenfer,
hélicoptère des Walkyries,
les ciels noirs sʼamoncellent,
tels des cadavres exquis, rongés par la vermine du temps,
je défaille, je mʼenvole,
je plane dans un ciel rouge dʼangoisses et de sacrifices,
chansons froides et gluantes,
je salive de mort, dʼamour,
corps écartelés, crient en vain dans lʼespace insonore,
il nʼy a aucun bruit dans ce vacarme,
une tempête dʼabeilles tueuses nous agrippent, nous encerclent,
et sans pitié nous vengent, nous mangent le ventre,
qui devient volcan de sang.